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Axe 5. Sociétés et cultures

Piloté par Émilie Dardenne

Une grande part des travaux menés par les membres de l’ORCA, de même qu’une partie importante des questions qui se posent sur nos relations avec les autres animaux et sur nos façons de les penser, porte sur des questions sociales et culturelles. Elles sont rassemblées dans cet axe résolument interdisciplinaire, qui s’intéresse aux constructions culturelles des autres animaux, aux relations anthropozoologiques dans leurs dimensions historiques et sociales, au droit animalier et à l’éthique animale générale, ainsi qu’aux mouvements sociaux liés à la montée en puissance de l’animalisme contemporain.

Demande sociétale

Le paysage anthropozoologique n’a jamais été aussi complexe. Outre la diversification du lexique s’y rattachant (voir axe « Représentation »), ou la montée des questionnements sur la gestion des animaux en ville (voire axe « Animaux en milieux urbains »), les tentatives de légiférer sur la corridala régulation de la chasse, le statut des animaux de compagnie, les relations parfois difficiles entre le monde pastoral et la grande faune sauvage, la souffrance des animaux de rente dans le cadre intensif, etc. montrent encore que l’expertise sociale et culturelle est nécessaire pour expliquer, mettre en perspective, documenter les rapports entretenus par la diversité des populations humaines avec les autres animaux. Le réseau thématique ORCA, en tant que groupe officiel, est un interlocuteur de premier ordre pour les médias, les responsables politiques, les entreprises, le monde associatif sur ces questions au cœur de nos sociétés contemporaines.

Problématiques de recherche

Cet axe s’intéresse aux mouvements sociaux liés à l’animalisme contemporain : welfarisme, véganisme (Segal 2024), antispécisme (Sénac 2021, 2024). Ces mouvements protéiformes ont beaucoup évolué depuis le début du mouvement contemporain en faveur de la condition animale. Cette émergence se constitue dans le sillage de la publication d’ouvrages séminaux des philosophes Peter Singer et Tom Regan, en 1975 et 19831. Ces mouvements seront probablement amenés à se diversifier encore dans l’avenir, sous la pression des demandes conjointes formulées par le mouvement écologiste et par celles qui émanent du courant animaliste lui-même : renforcement de l’animalisme politique, formes d’expression modérée de plus en plus variées : approches sectorielles et approches généralistes (Espinosa 2021), formes d’expression radicales (Ségal 2020 ; Simoneau-Gilbert 2021) et risques d’instrumentalisation et de récupération (Segal 2024). Cet axe explore bon nombre de questions anthropozoologiques fondamentales : Quelles sont les conditions de possibilité pour l’intégration de revendications antispécistes et/ou d’éthique végane dans nos sociétés ? Le spécisme peut-il être justifié moralement ? Sous quelles formes les revendications d’antispécisme et d’éthique végane sont-elles instrumentalisées par leurs détracteurs ? Quelles sont les synergies entre le spécisme et d’autres formes de discriminations ? Quelles dynamiques de domination et de pouvoir, quels processus de légitimation de la violence permettent-ils la continuation de ces discriminations intersectionnelles ? Les interrogations du grand public, des responsables politiques, des médias, sur ce champ sont nombreuses et récurrentes. L’éclairage des scientifiques de l’ORCA est souvent plébiscité dans ce domaine.

Un second objectif s’intéresse à l’éthique animale2. En complément des questionnements moraux soulevés par la relation entre éthique animale et environnementale (axe 1), ceux liés à l’élevage et à l’alimentation (axe 2), et ceux de l’expérimentation animale (axe 3), des enjeux transversaux seront abordés ici : quelles sont les spécificités des différents courants philosophiques qui se sont interrogés sur la condition animale (Dardenne, 2022) ? Quelles pistes définissent-ils pour une évolution positive des rapports que nous entretenons avec les membres des autres espèces (Pelluchon 2022) ? Quelle place occupent les considérations sur la vie psychique des autres animaux dans les débats publics (Burgat 2023) ? Une approche anthropologique de nos rapports avec les autres animaux montre également que les problèmes éthiques ont d’importantes dimensions culturelles, sociales, et religieuses (Vialle 2021, 2023). Quel est l’impact de la culture sur la manière dont nous construisons les autres animaux et sur le caractère arbitraire de nos procédés de catégorisations ? Bon nombre de constructions culturelles et sociales (par exemple, le concept de ’viande’, de ‘sacrifice’, de ‘progrès’ social ou scientifique) nous permettent de mettre une distance confortable entre la marchandisation ou l’objectivisation des animaux (et souvent leur mise à mort) et la question de leur valeur intrinsèque. Ces questions d’éthique culturelle s’étendent non seulement à la marchandisation des animaux de rente, mais aussi à celle des animaux de compagnie : leur sélection au nom de discours valorisant leur pédigrée ou leur ‘race’, l’impact que leur humanisation peut avoir sur leur bien-être physique et psychique, la manière dont ils bouleversent nos catégorisations culturelles et révèlent le caractère artificiel de ces dernières (on peut mentionner ici le cas spécifique des chiens et des chats en Corée du Sud (Dugnoille 2022)), sont autant de questions fondamentales explorées par les membres de l’axe.

Un troisième objectif rattaché à cet axe aborde la question des relations anthropozoologiques par le versant critique3. C’est un champ particulièrement fécond, dont les ressorts théoriques sont les notions de marginalité et de vulnérabilité animales (Roux-Demare 2019, 2021), l’idéologie de la violence (Bègue-Shankland 2022 ; Dardenne 2024), la prise en compte du point de vue des subalternes (Harchi 2022), la résistance animale (Dugnoille et Vander Meer 2023), la notion de crise des relations anthropozoologiques (Dardenne, 2021) et le concept de spécisme (Kerbrat-Orecchioni 2021, 2023 ; Jaquet 2022, 2024, 2025). Un des objectifs majeurs de cet axe est donc d’explorer et de questionner les fondements des droits moraux et légaux et d’imaginer leur extension aux animaux non humains : décryptage des évolutions juridiques, réflexions sur le renforcement de la protection pénale des non-humains, réflexions sur l’évolution de leur statut. Cette approche critique met également en exergue le processus d’animalisation comme un processus majeur d’exclusion sociale humaine et non humaine (Harchi 2024). Réfléchir à l’animalité, c’est poser la question de la légitimité des constructions culturelles et des structures sociales binaires qui régissent beaucoup de nos sociétés naturalistes. Exclure l’Autre des sphères du pouvoir en l’animalisant est un processus qui a permis de garder, entre autres, femmes, ‘étrangers’, minorités raciales, sexuelles, moins valides aux marges de nos sociétés. Cependant, dans bon nombre de communautés, la manière dont l’animalité et le monde non humain sont construits ne mène pas forcément aux mêmes dynamiques de pouvoir et d’exclusion. Ce versant critique pose donc la question de la pluralité ontologique au sens où cette dernière permettrait de repenser la/les domination/s humaine/s à la lumière d’autres cultures et d’autres sociétés.

1 Peter Singer, La libération animale, trad. Louise Rousselle, Paris, Payot & Rivages, 2012 [1975] ; Tom Regan, Les droits des animaux, trad. Enrique Utria, Paris, Hermann, 2013 [1983].

2 Robert Garner, Animals, Politics and Morality, 2e edition, Manchester, Manchester University Press, 2004 ; Jean-Baptiste Jeangène Vilmer, Éthique animale, préface Peter Singer, Paris, Puf, 2008.

3 Nik Taylor et Richard Twine (dir.), The Rise of Critical Animal Studies. From the Margins to the Centre, Londres et New York : Routledge, 2014 ; Anthony J. Nocella II, John Sorensen, Kim Socha, Atsuko Matsuoka, (dir.), Defining Critical Animal Studies. An Intersectional Social Justice Approach for Liberation, New York, Peter Lang, 2014 ; Dawne McCance, Critical Animal Studies. An Introduction, New York, State University of New York Press, 2013.

Publications des membres de l’axe (2020-2025)

Bègue, L., « Explaining Animal Abuse Among Adolescents: The Role of Speciesism », Journal of Interpersonal Violence, vol. 37, n° 7-8, 2020.

Bègue-Shankland, L., Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences, préface Boris Cyrulnik, Paris, Odile Jacob, 2022.

Burgat, F., Les animaux ont-ils des droits ?, Paris, La Documentation française, 2022.

Burgat, F., L’inconscient des animaux. Une lecture freudienne, Paris, Seuil, 2023.

Burgat, F. et Dardenne, É. (dir.), La souffrance animale. Éthique et politiques de la condition animale, Londres, Iste, 2023 ; version anglaise Animal Suffering. The Ethics and Politics of Animal Lives, Londres, Wiley, 2023­.

Burgat, F. et Frèrejouan M., Les pathologies de la liberté. La pensée de Henri Ey, Paris, Hermann, « Phénoménologie clinique », 2024.

Dardenne, É., « The Tipping Point? The Covid-19 Crisis, Critical Animal Studies and Academic Responsibility », dans Sylvie Nail et Camille Manfredi (dir.), E-rea n° spécial « Understanding, Acknowledging, Representing Environmental Emergency », vol. 18, n° 2, 2021. En ligne : https://journals.openedition.org/erea/12283.

Dardenne, É., Introduction aux études animales, Paris, Puf, 2022 [2020].

Dardenne, É., Considérer les animaux. Une approche zooinclusive, Paris, Puf, 2023.

Dardenne, É., « Zooinclusivity: A New Approach to Help the Transition towards a More-Than-Human World (and Law) », Environmental Rights Review, vol. 1, n° 2, 1er novembre 2024, p. 49-63. En ligne : https://zenodo.org/records/14025851

Dardenne, É., « Cartographie des études animales et de quelques champs connexes », Revue Semestrielle de Droit Animalier, vol. 1, 2024. En ligne : https://www.revue-rsda.fr/articles-rsda/7601-cartographie-des-etudes-animales-et-de-quelques-champs-connexes

Dugnoille, J. et E. Vander Meer, (dir.), Animals Matter: Resistance and Transformation in Animal Commodification, Brill, 2023.

Dugnoille, J., Dogs and Cats in South Korea: Itinerant commodities. West Lafayette, Indiana, Purdue University Press, 2022.

Espinosa, R., « Divisés dans l’unité : une discussion empirique de la diversité des stratégies de communication et d’action des organisations de défense des animaux », Traits-d’Union, Presses Sorbonne Nouvelle, 2021.

Harchi, K., « Les animaux avec nous, nous avec les animaux », Revue Ballast, 22 mai 2022. En ligne : https://www.revue-ballast.fr/les-animaux-avec-nous-nous-avec-les-animaux/

Harchi, K., Ainsi l’animal et nous, Paris, La Découverte, 2024.

Jaquet, F., « Speciesism and Tribalism: Embarrassing Origins », Philosophical Studies, vol. 179, n° 3, p. 933-954, 2022.

Jaquet, F., « What’s Wrong with Speciesism », Journal of Value Inquiry, vol. 56, p. 395–408, 2022.

Jaquet, F., « A Debunking Argument Against Speciesism », Synthese, vol. 198, p. 1011-1027, 2022.

Jaquet, F., « Speciesism », dans Y. Athanassakis, R. Larue, et W. O’Donohue (dir.), The Plant-Based and Vegan Handbook: Multidisciplinary Perspectives. Springer, 2024.

Jaquet, F., Le pire des maux. Éthique et ontologie du spécisme, Montreuil, Eliott Éditions, 2024.

Jaquet, F., « Indirect Defenses of Speciesism Make No Sense », Pacific Philosophical Quarterly, 2024.

Jaquet, F., « Against Moorean Defenses of Speciesism », in F. Aguiar, A. Gaitán, & H. Viciana (dir.), Experiments in Moral and Political Philosophy, Londres, Routledge, 2024.

Jaquet, F., « Ours Is a Speciesist World, Really », Journal of Ethics and Social Philosophy, vol. 29, n° 3, 333-354, 2025.

Kerbrat-Orecchioni, C., Nous et les autres animaux, Limoges, Lambert-Lucas, 2021.

Kerbrat-Orecchioni, C., «Ce ne sont que des animaux ». Le spécisme en question, Paris, Le Pommier, 2023. 

Kerbrat-Orecchioni, C., « Engagement explicite, engagement implicite. L’exemple du discours sur la chasse », Pratiques 199-200, 2023. En ligne, http://journals.openedition.org/pratiques/1338 ; DOI : https://doi.org/10.4000/pratiques.13381

Kerbrat-Orecchioni, C., « Peut-on parler de “langage animal” ? », in C. Sueur (dir.), Langages humains, langages animaux, Presses Universitaires de Valenciennes, 2024, p. 25-46.

Pelé, M. et Vialle, C., La vulnérabilité de l’animal en question. Vulnérabilités du vivant II, Paris, Cerf, 2024.

Pelluchon, C., Manifeste animaliste, Paris, Alma, 2017, Rivages, 2021.

Pelluchon, C., Éthique de la considération, Paris, Seuil, 2018, Point-Essais, 2021.

Pelluchon, C. Les Lumières à l’âge du vivant, Paris, Seuil, 2021, “Point-Essais”, 2022.

Pelluchon, C., L’espérance, ou la traversée de l’impossible, Paris, Rivages, 2022.

Pelluchon, C. L’être et la mer. Pour un existentialisme écologique, Paris, PUF, 2024.

Pelluchon, C. Préface à la réédition de Zoopolis. Une théorie politique des droits des animaux de S. Donaldson et W. Kymlicka, trad. P. Madelin, Paris, Hermann, 2025.

Roux-Demare, F.-X. (dir.), Animal et santé, Paris, Mare et Martin, 2021.

Segal, J., Animal radical – Histoire et sociologie de l’antispécisme, Paris, Lux, 2020.

Segal, J., Dix questions sur l’antispécisme – Comprendre la cause animale, Montreuil, Libertalia, 2021.

Segal, J., Veganwashing : L’instrumentalisation politique du véganisme, Paris, Lux, 2024.

Sénac, R., Radicales et fluides, les mobilisations contemporaines, Paris, Presses de Sciences Po., 2021.

Sénac, R., Comme si nous étions des animaux, Paris Seuil, “Libelle”, 2024.

Sénac, R., « Addressing the challenge of a “common” Future: the contemporary mobilizations against injustice in face of ecological and social emergencies », Futures, 161, 2024: https://doi.org/10.1016/j.futures.2024.103396 

Simoneau-Gilbert, V. et A. Renard, Que veulent les véganes ? La cause animale de Platon au mouvement antispéciste, Fides, 2021.

Veillard, N., « Des “petits hommes anémiés”? Stigmatisation et dynamiques de requalification d’une identité masculine végane », Nouvelles Questions Féministes, 2024/2, Vol. 43, p. 94-113.

Veillard, N., « Les “amazoones”, des chimères du mouvement antispéciste ? Appropriations et réceptions du discours “femelliste” », GLAD! [Online], n°17, 2024.

Vialle, C., Coordination du numéro « Penser et manger l’animal », Mélanges de Science Religieuse, 2020/77.

Vialle, C., « La vulnérabilité de l’animal au cœur du lien entre humain et Dieu. Comprendre la place de l’animal dans le système sacrificiel de l’Ancien Testament », dans C. Cannuyer, D. De Smet, R. Lebrun (éd.), Regards des civilisations orientales sur les personnes en situation de vulnérabilité. Volume du centenaire de la SRBEO (Acta Orientalia Belgica XXXIV), Bruxelles-Gent-Leuven-Louvain-la-Neuve-Liège, 2021, p. 181-196.

Vialle, C., « L’animal et le sacré dans la Bible », dans François Ars et Bruno Béthouard (éd.), Sacré et nature. Actes de la XXXe université d’été du Carrefour d’histoire religieuse (Les Cahiers du Littoral – 2 – N°21), Boulogne-sur-Mer, Université du Littoral-Côte d’Opale, 2023, p. 43-60.

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