Piloté par Julien Dugnoille
La ville est par essence un espace fortement anthropisé. Elle est pensée, construite, aménagée par et pour les êtres humains. Les villes se développent pour accueillir ces derniers, pour faciliter leurs conditions de vie, leurs déplacements, leur logement, leurs loisirs, la solidarité entre eux. Les villes ne sont pas pensées pour les autres animaux. Pourtant ils y sont nombreux : que ce soit ceux que nous adoptons pour vivre à nos côtés (animaux domestiqués), ceux qui vivent là parce que leur habitat s’est vu réduit par l’urbanisation (renards) ou parce qu’ils sont devenus libres (chats libres) ou par intérêt (animaux synanthropes, qui partagent avec nous l’espace urbain et bénéficient de leur association avec nous : goélands, pigeons, rats, etc.), ou encore la biodiversité ordinaire, présente partout, les animaux qui passent par la ville pour se rendre ailleurs ou pour y séjourner quelque temps, ceux qui y sont utilisés pour des activités de loisirs.
Introduction
La recherche animale s’est avérée utile pour l’humain ou l’animal, mais sa pertinence est aujourd’hui discutée. En particulier, l’utilisation du modèle primate non humain dans la recherche a joué un rôle clé dans de nombreuses avancées médicales liées, entre autres, à la lutte contre le cancer, la lèpre, le VIH, la maladie de Parkinson, l’hépatite, etc. La communauté scientifique justifie son travail sur ce modèle en privilégiant des méthodes permettant de diminuer le nombre d’animaux utilisés et leur souffrance (principe des 3Rs de Russell et Burch, 1959). Pourtant, de plus en plus de scientifiques expriment des réserves croissantes quant à l’utilisation des animaux et en particulier des primates non humains dans la recherche biomédicale, comme en atteste la récente fracture idéologique concernant l’expérimentation biomédicale sur les singes lors du dernier Congrès International de Primatologie (ASAP & IPS 2016) à Chicago en août 2016. Une des premières raisons à cette fracture est que de nombreux résultats trouvés sur les animaux ne seraient pas directement transposables à l’être humain. La seconde raison est directement liée aux souffrances psychologiques et physiques que subiraient les animaux et qui ne sauraient justifier aucun résultat scientifique ou médical. Même pour certains chercheurs, l’application des 3Rs – remplacer, réduire, raffiner – doit être repensée.
Demandes sociétale et politique
À peu près tout ce qui a à voir avec la condition animale et les relations anthropozoologiques se retrouve dans la politique de la ville. Sur ce point, beaucoup de questions se présentent aux décideurs et décideuses publiques : sensibiliser les parties prenantes (agents, citoyennes et citoyens de tous âges), viser un équilibre entre le développement de la ville, le bien-être humain et celui des autres animaux, aménager des espaces qui présentent une plus grande possibilité de rencontre avec les animaux, prendre des positions sur les méthodes létales, mutilantes ou violentes, accompagner les efforts de réglementations contraignantes et de moyens financiers indispensables à leur mise en place. Cela peut être fait dans un premier temps par la constitution de chartes des animaux dans la ville, comme on en voit de plus en plus dans les municipalités françaises (Rennes, Metz, Chartres, Villeparisis, Montélimar, Villers-sur-Mer, Garges-Lès-Gonesse, etc.), constitution qui s’appuie ou s’est appuyée sur l’expertise scientifique des membres de l’ORCA.
Problématiques de recherche
Quelles sont les relations passées et présentes entre les êtres humains et les autres animaux en ville1 ? Comment ces relations évoluent-elles ? Que disent-elles de la façon dont les animaux sont envisagés, représentés, traités ? Voici quelques-unes des questions qui pourraient guider les travaux de cet axe, avec des disciplines très variées : architecture, géographie, sciences politiques, éthologie, arts visuels, histoire. On se pencherait notamment sur les thèmes suivants :
• L’intégration du non-humain dans la conception architecturale.
• La zoopolitique urbaine.
• Les changements dans les relations anthropozoologiques urbaines.
• Les zoos et delphinariums.
• L’imaginaire animalier urbain.
• Les relations avec les animaux domestiqués.
• La ville comme lieu de cohabitation multispécifique.
1 Nicolas Baron, Enragés ! Une histoire animale. France, fin 18e-fin 20e siècles, Presses Universitaires de Valenciennes, 2022 ; Nicolas Gilsoul, Bêtes de ville. Petit traité d’histoire naturelle au cœur des cités du monde, Paris, Fayard, 2020 ; Joëlle Zask, Zoocities. Des animaux sauvages dans les villes, Paris, Premier Parallèle, 2020.